[Video] Droit de veto du CE : "Je veux tendre vers la cogestion"

[Video] Droit de veto du CE : "Je veux tendre vers la cogestion"

15.01.2017

Représentants du personnel

Octroyer au comité d'entreprise un droit de veto pour donner aux salariés une capacité réelle de peser sur les décisions stratégiques de la direction : telle est l'ambition défendue par Benoit Hamon, candidat à la primaire de gauche, vendredi13 janvier lors d'une rencontre avec la presse sociale (Ajis).

 

Benoit Hamon était vendredi 13 janvier l'invité de l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis). Lors de cette rencontre avec la presse,  l'ancien ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire, puis ministre de l'Education nationale, a détaillé son programme social en vue de l'élection présidentielle.

"La loi travail a été faite pour faciliter les licenciements économiques"

À l'identique d'Arnaud Montebourg, également en lice à la primaire de gauche, Benoit Hamon entend revenir sur la réforme El Khomri s'il est élu président de la République : "Sans état d'âme, j'abrogerai la loi Travail. Tout d'abord, parce qu'elle est frappée d'un manque de légitimité. Rappelons que la CGT, FO et la CFE-CGC n'étaient pas dans l'accord final sur le contenu de la loi. Or, la CFDT et la CFTC ne sont à elles seules pas majoritaires au niveau national. Et sur le fond, cette loi a été faite pour faciliter les licenciements économiques. Je la tiens par exemple responsable de l'actuel plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la Voix du Nord (*), accuse-t-il. Il faut aussi souligner que l'exécutif a organisé la baisse du paiement des heures supplémentaires et défiscalisé la distribution de dividendes. Les Français perçoivent ces messages".

Benoit Hamon entend toutefois maintenir le droit à la déconnexion : "Ce nouveau droit reconnaît l'existence d'une laisse électronique. Mais il faut aller plus loin car aujourd'hui rien n'impose aux entreprises de prévoir une quelconque mesure concrète en faveur des salariés. Un véritable loi sur le travail devrait imposer des contreparties au CICE (crédit impôt compétitivité emploi), poursuit-il. J'y ajouterai le renforcement de la médecine du travail et une reconnaissance facilitée des risques psychosociaux en tant que maladie professionnelle.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Sanctuariser un jour de repos commun dans la semaine

La loi Macron du 6 août 2015 ne trouve pas davantage grâce aux yeux du candidat à la primaire de gauche : "Emmanuel Macron se revendique de la liberté individuelle de travailler le dimanche. C'est une mesure en rupture avec la politique jusqu'ici menée par la gauche, qui a toujours estimé que l'on n'est pas vraiment libre lorsque l'on n'a pas de droit. Avec un tel raisonnement, on va aboutir au modèle anglais où chaque salarié est libre de renoncer à ses droits. Je trouvais positif que soit sanctuarisé un jour de repos commun à tous dans la semaine. D'ailleurs, j'aimerais que l'on compare les effets de la loi Macron et de ma loi en faveur de l'économie sociale et solidaire, qui elle a un vrai impact sur l'économie", avance-t-il.

Tendre vers "une forme de cogestion"

S'agissant plus précisément de son programme, nous avons interrogé l'ancien porte-parole du PS sur sa volonté d'instaurer, à partir du seuil de 2 000 salariés, un droit de veto au bénéfice des comités d'entreprise (voir sa réponse détaillée dans notre vidéo). "Il faut tendre vers une forme de cogestion, confirme-t-il. Ce mot fait débat, y compris au sein des organisations syndicales, mais j'ai la conviction qu'il faut associer de manière plus étroite les élus du personnel aux décisions stratégiques des entreprises, comme par exemple une délocalisation. Sauf chute brutale de l'activité, on est rarement dans l'improvisation en entreprise, c'est pourquoi les salariés ne doivent pas rester des acteurs subalternes des prises de décisions".

Questionné aussi sur la façon dont il entend articuler démocratie sociale et démocratie citoyenne, Benoit Hamon s'explique : "Je pense que notre pays souffre d'un déficit de démocratie, à tous les niveaux. C'est pourquoi je propose la création du "49-3 citoyen", qui revient à faire confirmer par les citoyens une loi votée, à l'image de ce que prévoit déjà la Suisse ou l'Etat de Californie. Cependant, dans le cadre d'une loi qui transposerait un accord national interprofessionnel (Ani) conclu par les partenaires sociaux, on pourrait exclure le recours au "49-3 citoyen" car la loi reposerait sur une autre légitimité, c'est-à-dire la démocratie sociale", indique-t-il.

Revenu universel d'existence : mise en oeuvre en trois étapes

L'ancien ministre a enfin défendu ce qui est certainement sa proposition la plus ambitieuse : la création d'un revenu universel d'existence.  "Cette mesure est une réponse à la raréfaction de l'emploi, justifie-t-il. Cette évolution à venir du marché du travail est attestée scientifiquement, notamment par la très récente étude du Conseil d'orientation pour l'emploi (ndlr : selon le COE, 10% des emplois sont menacés par la robotique, voir ici cette étude). Je veux penser cette transition. Est-ce que cela fait de moi le candidat qui renonce au travail ? Chaque fois que l'on propose une nouvelle aide sociale, la critique avancée est toujours le même : "ceux qui bénéficient des prestations sociales sont irresponsables et profitent du système". Michel Rocard également, quand il a institué le revenu minimum d'insertion, s'est vu reprocher d'encourager la société du farniente. C'est un lexique qui n'était jusqu'ici pas dans la bouche de la gauche et je le regrette".

En pratique, Benoit Hamon envisage trois étapes pour la mise en place du revenu universel d'existence : "Dès mon élection, je revaloriserai le RSA pour le porter à 600 euros et en ouvrirai le bénéfice aux jeunes dès 18 ans. Cette revalorisation représente déjà un coût de 45 milliards d'euros, mais c'est déjà ce que l'on dépense pour le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Ce que l'on donne sans contreparties aux entreprises ne pourrait pas faire l'objet d'une mesure de solidarité ?, s'interroge-t-il. C'est une simple question d'affectation des deniers publics. La deuxième étape serait déployée d'ici la fin de mon quinquennat en soumettant le bénéfice du revenu universel d'existence sous condition de revenus. Pour une généralisation de la mesure à toute la population, il faudra certainement un second mandat", prévient-il. Benoit Hamon voit également dans ce revenu universel un moyen de prévenir le développement d'un modèle de travail pauvre. Un modèle que pourrait entraîner selon lui la recherche permanente de productivité et de baisse du coût du travail...

 

(*) La ministre du Travail a répondu, dans une lettre rendue publique, à Benoit Hamon, au sujet du PSE de la Voix du Nord qui vise la suppression de 178 des 710 postes (lire notre autre article dans cette même édition). "Pas plus qu’avant, la loi Travail ne donne compétence aux Direccte pour se prononcer sur le motif économique d’un PSE dans le cadre des procédures d’homologation : cette appréciation relève strictement du juge lorsqu’il est saisi en cas de contentieux  (..) Le même PSE aurait pu parfaitement être mis en œuvre il y a six mois". Par ailleurs, Myriam El Khomri indique que le projet de PSE a été communiqué à la Direccte la semaine dernière et que celle-ci dispose de trois mois pour se prononcer.  Rappelons néanmoins que la loi Travail a réécrit la définition du licenciement économique en intégrant des éléments objectifs (baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires sur 4 trimestres pour une entreprise de 300 salariés et plus, par exemple) qu’il sera difficile à un juge de ne pas prendre en compte.

Julien François
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